Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

samedi 10 novembre 2007

Vu sur le net.

Le CAPRI Juan les pins
LE CINEMA DE NOTRE TEMPS

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Written by: Sylvian Coudène Date: 17 May 2005
Aujourd’hui voué au fast-food et autres salles de video-jeux, Juan-les-pins fut autrefois l’une des stations les plus huppées de la Côte d’Azur, la rivale de Saint-Tropez.

La décadence de la station commença dans les années 70.

Le point d’orgue en fut, dans les années 80, la fermeture de l’hôtel Provençal, aujourd’hui laissé dans un état d’abandon pathétique.

Dans les années 60, la station battait encore son plein : le Festival de Jazz accueillait dans la Pinède Gould les plus grands noms de la scène internationale, d’Ella Fitzgerald à Miles Davis.

Le Provençal avait hébergé les plus grandes stars d’Hollywood : Chaplin, Gary Cooper et tant d’autres, ainsi que la jet-set internationale.

Il n’était pas rare, dans les clubs, de voir en jam session (un « boeuf » en français !), des musiciens aussi connus que Louis Armstrong, Oscar Peterson ou Lionel Hampton.

C’est dans ce contexte que, la proximité de Cannes (capitale européenne du cinéma) aidant, l’ouverture d’une nouvelle salle de cinéma dans la commune d’Antibes Juan les pins sembla évidente.

A cette époque (1966), la ville d’Antibes comptait 4 cinémas : le Palmarium, le Rex, l’Antipolis et le Casino et une salle mitée à Juan, le Ritz.

Ce n’était pas encore le temps du « tout voiture », et la concurrence avec Cannes, qui comptait une bonne douzaine de salles à cette époque, ne se faisait pas encore ressentir.

Elle deviendrait beaucoup plus évidente par la suite : à Antibes, il ne reste plus aujourd’hui que le Casino avec ses 3 salles, le public préférant « se faire une toile » à Cannes, à un quart d’heure en voiture.
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Le Cinema de Notre Temps

L’importance grandissante de l’automobile, pourtant, n’avait pas échappé aux créateurs du Capri : ils firent construire leur salle sur la (fameuse) Nationale 7 entre Antibes … et Cannes, à la sortie de Juan les pins.

Ce qui apparaîtrait aujourd’hui d’une logique évidente, le seul problème étant que ces précurseurs avaient quelques années d’avance !

Vous me pardonnerez les erreurs de dates : j’étais un enfant à l’époque.

Il y eut donc construction d’un immeuble dans un endroit désertique à l’époque, auquel fut adjoint un parking pouvant accueillir une centaine de véhicules à 4 roues.

De quoi remplir la salle de 600 places.

Là encore, la mémoire peut me jouer des tours, mais voici ce dont je me souviens, ou crois me souvenir :

Un immeuble sobre, gris et blanc, imposant et d’architecture moderne, voire « design » abritait « Le Cinéma de notre temps » (slogan publicitaire de l’époque).

On entrait dans un hall carrelé de marbre : au premier regard, en face de soi, un bar américain derrière lequel officiait un barman.

A gauche, la caisse, spacieuse, pas une « guérite » comme dans les cinémas d’Antibes.

On était accueilli par des ouvreuses en uniforme, jolies (là aussi, ça changeait des rombières désagréables des autres salles).

Elles nous conduisaient dans la salle, et là, la première fois, ce fut l’émerveillement : un vaste parallélépipède rectangle dont les murs étaient recouverts d’un tissu or à bandes ton sur sur ton.

Fixés au sol recouvert d’une épaisse moquette brune, 600 fauteuils verts, de marque Quinette (je m’en souviens, c’était écrit sur les publicités) où l’on s’enfonçait, mais pas trop, avec délice.

Un rideau à doubles vantaux occupait la totalité du mur en vis-à-vis, masquant un écran de 120m2 (la pub, toujours !), ce qui pour nous, à l’époque, était très impressionnant.

Quand le rideau s’ouvrait, dévoilant lentement l’immense toile légèrement courbe, les spectateurs rivalisaient de « oh ! » et de « ah ! » admiratifs.

En bas du rideau une grande jardinière de plantes exotiques éclairées par des spots de couleur verte s’animait de jets d’eaux juste avant le début du grand film, pendant les musiques des pré génériques des films à grand spectacle en 70mm.

Car, bien sûr, la salle était équipée dans ce format et inaugura sa programmation par un Festival Todd-Ao et 70mm, le premier film présenté étant « Cléopâtre », film décrié à l’époque et considéré aujourd’hui comme un chef-d’œuvre.

Le programme du mois d’ouverture accueillit donc Cléopâtre, West side story, Cancan, My Fair Lady et Lawrence d’Arabie.

Des reprises donc, mais dans un format inhabituel pour nous.

A l’époque, tous les « grands » fumaient : les créateurs avaient donc prévu une salle où les gens pouvaient aller fumer tout en regardant le film à travers une vitre épaisse, confortablement installés dans des fauteuils club.

Par la suite, hélas un peu avant la fermeture, et tentant le tout pour le tout, les propriétaires du Capri firent construire … une Pizzeria donnant sur la salle par une grande baie vitrée face à l’écran !

Il faut croire que la formule n’eut pas grand succès.

Je me souviens de l’un des propriétaires du cinéma. Il s’appelait André Pomares (prononcer ès) et je n’ai pas réussi à retrouver sa trace, me disant qu’il devait posséder des documents de l’époque, publicités, photos…

« Dédé » était un vrai passionné : pour un festival du western, il avait parcouru les environs à cheval ( !), escorté de quelques amis cavaliers, tous vêtus en cow-boy.

Un vrai « fou », un vrai novateur, doté d’un physique de latin lover, recevant les clients vêtu d’un costume immaculé griffé haute couture.

Le Capri connut quelques belles séances, notamment l’été, en créant des séances à des horaires estivaux (première séance vers 18 heures, dernière à … minuit.

Je me souviens très bien des 2 projectionnistes qui se succédaient en cabine, Joachim et Christian : l’un des grands jours de ma vie fut quand l’on m’autorisa à pénétrer dans le saint des saints, pièce spacieuse où trônaient deux projecteurs Cinemeccanica Victoria 8.

Pendant la projection de « L’extravagant docteur Doolitle » (avec Rex Harrison), j’eus même le droit de procéder au changement de projecteur : imaginez l’émotion pour un gamin de 12 ans !

La Fin


Hélas, le Capri n’aura vécu que 5 ans tout au plus !

Les raisons, à mon avis, et rassemblant mes souvenirs éparses, sont de plusieurs ordres : le « stock » de films en 70 mm se faisait rare, et les nouveautés dans ce format encore plus ; le cinéma ne bénéficiait jamais de films porteurs en exclusivité : les salles de Cannes et d’Antibes avaient un véritable monopole en matière de sorties, et les exploitants du Capri se sont retrouvés littéralement asphyxiés, condamnés à programmer des « vieux » films, bien souvent au format 1 :33

Même les films « à grand spectacle » qui auraient bien mérité ce bel écran panoramique incurvé passaient dans des salles où la qualité de projection ne supportait pas la comparaison.

Le cinéma, envahi d’huissiers de justice, ferma en 1971.

Il devint, pour quelques temps, et toujours sous la houlette de « Dédé » une discothèque au décor d’échafaudages baptisé « Le West Side » en un ultime clin d’œil.

Dédé renonça définitivement en 1972 (ou peu après) et le Capri devint point de vente des hors-bord Rio, ce qu’il est toujours actuellement.

Sur la Côte d’Azur, les bateaux ont plus d’avenir que le cinéma.

Nota : malgré mes recherches, je n’ai pu retrouver la trace d’André Pomares.

Ce témoignage a pour but d’entretenir la mémoire.
Sans cela, le Capri serait un lieu « fantomatique ».

Annexe

Ces films, vus au Capri ont marqué ma mémoire.

Pardon à nos amis anglo-saxons, pour les titres français :

CLEOPATRE *
MY FAIR LADY *
WEST SIDE STORY *
CES MERVEILLEUX FOUS VOLANTS DANS LEURS DROLES DE MACHINE *
LE ROI DES ROIS *
L’EXTASE ET L’AGONIE *
LAWRENCE D’ARABIE *
KHARTOUM
CANCAN *
LA CASE DE L’ONCLE TOM *
LA NUIT DES GENERAUX
LA GRANDE COURSE AUTOUR DU MONDE
UN MONDE FOU FOU FOU *
DARLING LILY
LA MELODIE DU BONHEUR (The sound of music !) *
HELLO DOLLY
EXODUS *
LA GRANDE COURSE AUTOUR DU MONDE
LES TURBANS ROUGES
BEN HUR *
LE MONDE MERVEILLEUX DES FRERES GRIMM *
L’EXTRAVAGANT DOCTEUR DOOLITLE *
PLAYTIME * ( seul film réellement projeté en exclusivité !)
ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS

et bien d’autres, moins significatifs, comme LE CERVEAU, de Gérard Oury.

* films au format 70 mm, si mes souvenirs sont bons.

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