"Tout l'appareil judiciaire qui s'est développé depuis des années autour de l’application des peines, et de leur ajustement aux individus, démultiplie les instances de décision judiciaire et prolonge celles-ci bien au-delà de la sentence. Quant aux experts psychiatres, ils peuvent bien se défendre de juger. Qu’on examine les trois questions auxquelles, depuis la circulaire de 1958, ils ont à répondre : l’inculpé présente-t-il un état de danger ? Est-il accessible à la sanction pénale ? Est-il curable ou réadaptable ? Ces questions n’ont pas de rapport avec l’article 64, ni avec la folie éventuelle de l’inculpé au moment de l’acte. Ce ne sont pas des questions en termes de « responsabilité ». Elles ne concernent que l’administration de la peine, sa nécessité, son utilité, son efficace possible ; elles ne permettent d’indiquer, dans un vocabulaire à peine codé, si l’asile vaut mieux que la prison, s’il faut prévoir un enfermement bref ou long, un traitement médical ou des mesures de sûreté. Le rôle du psychiatre en matière pénale ? Non pas expert en responsabilité, mais conseiller en punition ; à lui de dire, si le sujet est « dangereux », de quelle manière s’en protéger, comment intervenir pour le modifier, s’il vaut mieux essayer de réprimer ou de soigner."
Michel Foucault
Le corps des condamnés
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