Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

vendredi 4 janvier 2008

Cacafouya


On sait combien Mozart aimait truffer les lettres qu'il écrivait à sa sœur Nanerl de références scatologiques imagées en prouts et crottes jalonnant sa correspondance familiale.
Le vocabulaire de nos contemporains s'est depuis longtemps (ou peu de temps, en fait) débarrassé des précautions de langage qui nous faisaient, enfants, au siècle dernier, dire "les 5 lettres" ou "m." pour manifester un mécontentement quelconque.
Songez qu'au début des années 80, Le Luron choqua en employant le mot "emmerdant" dans l'une de ses parodies.
Aujourd'hui, on ne s'emmerde plus, on se fait ch...
Le mot, sous toutes ses formes, verbe, adjectif, adverbe, sort, si je puis dire, de toutes les bouches avec une facilité déconcertante : autour d'une table en fort bonne société, il y a peu, j'entendais une très belle femme, toute en élégance, employer à tour de bras le "ch...t" pour épingler tel ou tel film ennuyeux.
La dévalorisation des mots grossiers va ainsi son chemin, leur enlevant toute leur violence, et depuis, notamment, que les supporteurs d'une équipe de foot, accompagnaient les dégagements du gardien de but adverse d'un choral "oh, hisse, enc... !".
Car aujourd'hui, il faut que vous le... sachiez, on est toujours l'enc... de quelqu'un comme on en fut autrefois le con.
Le problème que nous rencontrons à présent est une pénurie flagrante d'insultes : "con" étant devenu une ponctuation, et "enc..." une banalité, on ne peut plus formuler violemment le mépris, la haine, le dégoût, la colère, l'indignation, que nous inspire tel ou tel de nos contemporains.
Maintenant que le tutoiement, la trivialité de langage, sont devenus le mode d'expression des plus hautes autorités de l'Etat ("descends, viens le dire ici !), nous voilà à court de vocabulaire, impuissants à parler "comme des charretiers".
Et ça, moi, ça commence à me faire déféquer.

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