J'ai lu, hier, dans les yeux d'un interlocuteur, combien il est malaisé pour moi d'être crédible quand je donne mon avis sur la qualité d'un spectacle, de chansons en particulier.
Le fait d'avoir beaucoup donné de ma personne dans ces métiers rend suspecte d'aigreur contenue toute déclaration négative envers tel ou tel.
Quand on me connaît un peu mieux, on m'accorde le bénéfice de la prescription : il y a plus de vingt ans que j'ai quitté ces eaux-là et je pense pouvoir revendiquer le droit à être spectateur, à défaut d'expert.
Le chanteur -de talent, hein !- qui occupait ce que l'on appelle une "scène alternative" hier soir, s'extasiait du nombre de spectateurs venus l'applaudir, soit à peu près 150 personnes, constatant que c'était le nombre qu'il avait atteint en plusieurs jours lors d'une précédente prestation parisienne.
A cet énoncé, je ne pus m'empêcher de ressentir, mêlés, respect, admiration, effroi.
Entre un"show" démesuré à la Polnareff et le récital-veillée (je n'ai pas dit funèbre) d'un Sarcloret (c'était lui, hier) il y a un gouffre empli de dollars, de sonos puissantes et bien réglées, d'accompagnements orchestraux "up to date", d'effets de lumières impressionnants et... de salles combles.
Nos centres culturels regorgent de ces artistes subventionnés de près ou de loin grâce à une exception culturelle si enviée par delà nos frontières mais bien fragile en ces temps de libéralisme revanchard.
Le régime spécial (!) des intermittents du spectacle assure, pour l'heure, la survie de ces artistes "en marge", mais pour combien de temps encore ?
La reprise en main du service public (voir actuellement le feuilleton France 2), la disparition progressive sur les ondes de la diversité entraîneront à brève échéance une standardisation de l'offre en fonction de la demande supposée (ou réelle, c'est à craindre !) de ce que l'on appelle le grand public.
Le concert d'hier soir, j'y reviens, ne pouvait que susciter ma réflexion : en première partie, un chanteur qui brandit sa spécificité sexuelle en étendard (quel courage !) harangue son public acquis transformant son tour de chant en meeting d'Act Up.
Soit.
Il y a longtemps que je me méfie de qui me (et se) caresse dans le sens du poil : un soupçon d'anti-parlementarisme, une dénonciation des agissements de Boutin et de Vanneste (un député homophobe) et, bien sûr, une charge anti-Sarko/FN, relèvent de la facilité, voire de la démagogie, et j'ai la réaction (!) de penser qu'un troubadour peut le faire, mais en chansons et avec subtilité.
Mais pour cela, il faut une sacrée dose de talent : n'est pas Leforestier qui veut.
Qu'un artiste chante sa sexualité "différente" est en soi fort louable ; on aimerait qu'il nous chante amour et tendresse, qu'il érotise, même, ses couplets : ici, nous n'avons droit qu'à un éloge de la "collectionnite" qui ne peut rendre le personnage sympathique.
Enfin, après cette "américaine" trop longue, malgré de fréquents regards élégants sur la montre bracelet, et une deuxième partie qui aurait gagné en élagage d'une bonne demi douzaine de titres, on sort de la salle (la Reine Blanche, fort beau lieu) en état de perplexité.
On se dit, tout en se maudissant parce qu'on a été aimablement invité, qu'une veillée autour d'un feu de cheminée eût été mieux adaptée, que, décidément, il faut savoir finir un spectacle (école Lederman !) et que 2h30 de guitare-voix, c'est bien long (pour un pianiste ?).
On regagne son salon où l'on hésite devant son "mange disque audio" (expression suisse) :
Ferré ou Sheila ?
4 commentaires:
chiotte zut poignardé en plein coeur!!!...
rhââââ!!!...
deux et demi de guitare voix, je serais sorti aussi... à Paris!!!...
est-ce qu'on peut dire que néanmoins je reste d'une hétérosexualité sourcilleuse...?
un autre son de cloche peut-être ???
sur http://barbot-pointbarre.blogspot.com
C'est intéressant : seul un ton polémique entraîne des commentaires.
Je remercie Sarclo pour le sien. Je n'ai guère écorché l'helvète car j'ai apprécié son "tour" malgré les réserves exprimées.
Et je suis globalement d'accord avec Philippe Barbot, ex-"Téléramiste" que j'apprécie beaucoup.
Vos critiques s'adressent donc ainsi à tout le public qui aime ces artistes engagés,et...dérangeants...je ne pense pas que votre liberté d'expression vous autorise à TOUT dire, surtout quand, au lieu de critiquer des textes ou des musiques (ce qu'on aurait pu attendre d'un ancien musicien), vous vous en prenez à la personne...
Bref, c'est d'une grande facilité,
elisabeth
Elisabeth, je ne critique aucunement la personne (que je connais peu) mais la "forme" du tour de chant.
Je ne disais pas que je n'étais pas d'accord sur le fond : c'est la manière de l'exprimer qui m'irrita, les chansons de N. Bacchus étant de bonne facture.
Et je suis toujours musicien.
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