Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

lundi 25 octobre 2010

Automneries

Il y a des amitiés qui se délitent, d'autres qui sommeillaient et qui, tout à coup se réveillent; les années ont passé, on s'est éloignés géographiquement, on a roulé sa bosse dans le but de se trouver.
Quand on y est -plus ou moins - parvenu, on se pose enfin, plus serein sans doute, prêt enfin à accueillir ces voix que la mémoire n'a aucun mal à identifier, à échanger comme si de rien d'était, avec cette impression qu'on conversait encore la veille au soir, parce que, en fait, ces visages ne vous ont jamais quitté, retrouvés ça et là en feuilletant un vieil album-photos, en réécoutant une chanson ancienne, en parcourant, pèlerin, une rue du vieux Paris...
En lieux communs on se dira que le temps passe vite, qu'il fallait bien "faire sa vie", qu'il y a des nécessités qui font loi.
Puis soudain une pulsion, un besoin tout à coup urgent se fait sentir, parce que, il faut se l'avouer, on a pris conscience que l'on était passé de l'autre côté de la frontière du temps, qu'il faut recomposer le puzzle intime, revenir à l'essentiel.
Deux voix inoubliées, à peine rabotées par le temps,  ont retenti à mes oreilles ces dernières heures.
Ce fut -est-ce surprenant ?- apaisant.


- Woody et Naomi sont sur un tournage... -

Woody Allen fait depuis longtemps un cinéma que dénoncent ceux qui ont mis ce pays dans l'état de délabrement culturel où il se trouve, ceux qui bouffent de "l'intellectuel" à toutes les tables de la médiocrité pour pallier leur propre inconsistance.
Pour ceux-là, les films de new-yorkais sont appréciés par des "bobos-de gauche-parisiens"; tout juste ont-ils consenti à bander devant la Pénélope Cruz de "Vicky Christina Barcelona"; c'est que, de plus, non seulement ce cher Woody se permet de penser et de faire rire sans avoir recours aux saillies qui font le succès de "Camping", mais l'homme est juif, et son humour aussi (quoique...).
Ca fait beaucoup pour un seul homme et on a brûlé des livres pour moins que ça.
Cela posé, on aurait bien mauvaise foi à affirmer que "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu" est un chef-d'oeuvre.
Non, c'est juste un bonbon qu'on déguste un samedi aprème quand, à l'extérieur de la salle obscure, se déchaîne un orage d'automne.
Comme on l'aime, le Woody, on lui pardonne de ne pas être "génial" (ah, ce mot galvaudé !) à tous les coups, ses deux précédents opus (celui déjà cité et l'encore meilleur "Whatever works") nous ayant comblé pour un bon bout de vie de cinéphage.
Il y a toujours à moissonner chez Allen : ici, ce sera le formidable personnage de sexagénaire courant après sa jeunesse perdue incarné par Anthony Hopkins, parfait, et celui d'une épouse jugée trop vieille, laquelle, interprétée par une formidable Gemma Jones nous mène, en fil d'Ariane, dans les méandres de cette histoire souvent loufoque où les trentenaires (Brolin -putain quel acteur !- Naomi Watts, si jolie, Banderas enfin lui-même) sont dans la même panade que leurs aînés.
La petite déception vient du fait que W. Allen s'empresse de finir son film quand s'enclenche une nouvelle histoire, nous laissant quelque peu frustrés.
On sort un peu dépité en se disant : "vivement le prochain !"

Montpellier : le Pérou (Peyrou)

Dans les années 60 et 70, donc très très très jeune, je passais toutes mes vacances d'été chez ma grand-mère à quelques kilomètres de Montpellier.
On arrivait par le "Ligure", un train "rapide" dans le sens où on l'entendait à l'époque : aujourd'hui, ce serait un "tortillard".
Epuisés par le voyage, on prenait ensuite un car des "Courriers du midi" dont le chauffeur, en uniforme beige et casquette,  s'appelait Monsieur Brun.
Il ne fallait pas rater ce car, dont la destination finale était Sommières, car le car (rigolo, non ?) ne reliait les deux villes que deux fois par jour.
Moi, j'aimais beaucoup qu'on le rate : dans ce cas, on allait déjeuner au "Colombier" et ensuite on allait au cinéma pour attendre l'heure du départ.
Montpellier était une ville endormie, surtout en saison chaude : ses habitants la désertaient pour "aller à la mer", à Palavas, certains, plus aisés, y possédant une résidence secondaire.

Le petit train de Palavas immortalisé par Albert Dubout

Le soleil chauffait à blanc les statues des Jardins du Pérou où, je l'appris bien plus tard, les hommes qui se promenaient, l'air de rien, venaient pour tout autre chose qu'une séance de bronzage.
On se repliait sur l'Esplanade, près des bassins où évoluaient des cygnes majestueux (un cygne est toujours majestueux).
La vieille ville s'animait un peu le matin dans le quartier où habitait ma tante, rue St Guilhem.
Puis vint le règne de Georges Frêche, dont on peut comprendre que les montpelliérains l'aient absous de toutes les conneries révoltantes qu'il a pu émettre ces dernières années : ce monsieur, élu à la mairie en 1977, a fait de sa ville une métropole moderne tournée vers l'avenir, la transformant en profondeur, la rajeunissant, y attirant une nouvelle population point avare de sorties au théâtre, au cinéma, au concert.
Indéboulonnable en statue du commandeur, clientéliste sans doute (d'où ses sorties bien ciblées), Frêche marquera pour longtemps l'histoire de sa cité.
Nous ne pouvons, nous autres parisiens, comprendre les sentiments de cette population à l'égard de cet homme; c'est un mystère comme le fut le règne de Deferre à Marseille en d'autres temps.

La rue Saint Guilhem de nos jours

En plus : l'anecdote m'a toujours amusé : sur la Place de la Comédie, un café appelé le Y'A BON, faisait le plein à une lointaine époque.
Un concurrent s'installa dans l'immeuble mitoyen et appela son café le... Y'A MIEUX.
Authentique.

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