Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

lundi 4 octobre 2010

Automneries

J'écoute au lever le premier concerto de Tchaikovski, une excellente version live "en public" par Martha Argerich sous la baguette de Ricardo Chailly.
A 10 ans, à la clinique où l'on m'avait opéré de l'appendicite, mon frère Gil m'avait offert la version Richter/Karajan, sans doute la meilleure enregistrée à ce jour.
Je me souviens de la pochette : une photo en noir et blanc des deux maîtres, surmonté du logo Deutsche Gramophon dont le jaune illustre une collection pléthorique d'enregistrements mythiques.
Karajan a ses adeptes, nombreux : son côté "playboy", pilote de jet, yachtman, firent les belles pages de Paris Match en leur temps.
La "peopeulisation" sévissait donc déjà en ces temps déjà anciens, rendant probable l'existence dans les discothèques populaires d'un "Karajan", aux côtés d'un Clo Clo pour danser les jours de mariage et d'un "Ne me quitte pas" pour pleurer les soirs de rupture ou de deuil.
Le ténébreux Herbert hanta les studios pour emplir nos rayons de Symphonies de Beethoven et autres Casse-noisette incontournables.
On oublia que ce grand conducteur eut, sous le nazisme, une attitude pour le moins passive si ce n'est complaisante.
Personnellement, je luis sais gré de ce concerto avec Richter, mais le voue aux gémonies pour un Requiem de Mozart conduit à la vitesse du son, sans doute avant un départ urgent pour Saint Tropez.

Les talk-show causeries télévisuelles font l'ordinaire des deuxièmes parties de soirées à la télévision.
Ca ne coûte pas cher et les invités sont ravis de venir y vendre leur dernière production.
Maintenant, pour faire genre "c'est pas une émission de promo" on s'adjoint des chroniqueurs chargés de dézinguer ou, plus rarement, d'encenser le produit concerné.
Encore faut-il l'assumer.
Ce que Laurent Ruquier eut grand mal à faire samedi dernier quand son amie Isabelle Mergault, qui est la grande cinéaste que l'on sait, assistée de Daniel Auteuil, décidèrent de couvrir d'une bronca commune les critiques que n'allaient pas manquer d'émettre ses deux flingueurs patentés Naulleau et Zemmour.
L'impro, ou soi-disant telle, des deux vendeurs de film fut d'un ridicule achevé.
Sans doute pensaient ils éviter ainsi d'avoir à répondre point par point aux flèches que les deux comparses avaient préalablement acérées.
Pour Mademoiselle Mergault je ne sais pas, mais il est étonnant qu'un comédien chevronné comme Auteuil se laisse aller à cette pitrerie, lui qui fut sans en douter bien heureux que des critiques poussent les bons films (il y en a !) où il joua, notamment chez Téchiné (que Mergault assassina d'une phrase au cours de l'émission, d'ailleurs).
Ainsi donc, la critique est bonne à prendre quand elle est positive, et à jeter quand elle est négative.
Pour ma part, la critique est un guide précieux pour découvrir un disque, un film ou un livre.
Encore faut-il faire le tri et se fier aux journalistes spécialisés que l'on s'est choisi.
En tout cas, sur ce coup, on ne m'a pas donné envie envie d'aller voir un film qui, d'après le comportement des deux "invités" doit être un sacré navet.

La veille, chez Giesbert, de plus en plus pédant, j'interceptai un échange entre les chroniqueurs (oui, il y en a là aussi) et Laurent Fabius qui était venu vendre le bouquin sur l'Art qu'il vient d'éditer.
L'ancien Premier Ministre avait sans doute précisé avant d'accepter l'invitation qu'il ne venait pas parler politique.
Et c'est bien évidemment sur ce terrain que les animateurs s'ingénièrent à vouloir l'attirer, en perfide guet-apens.
Au premier rang, une simili-tueuse "de droite", Elizabeth Lévy, s'acharna sur sa proie, voulant lui faire parler absolument des bisbilles internes du PS (pensez donc, y'a danger !) et autres préoccupations de journaliste politique.
Las, M. Fabius sut lui répondre posément, avec le talent qu'on peut lui reconnaître.
Essayer d'estourbir le fin bretteur, le grand orateur, l'homme de culture qu'il est, me semble quelque peu présomptueux.
L'acharnement de Mme Lévy, teinté d'une bonne dose de hargne, fit que l'on prit parti cette fois pour l'invité.
Celui-ci n'eut pas, lui, besoin de faire un pitoyable numéro pour que l'on s'intéressât à son oeuvre.

La guéguerre que se livrent syndicats et gouvernement au sujet de l'affluence dans les manifestations est dans l'air du temps; et cet air, actuellement, ne sent pas bon.
Il y avait dans le métro ce samedi un climat chargé de cent mille volts.
S'y croisaient manifestants fourbus, touristes curieux d'une "nuit blanche", événement prestigieux qui n'intéresse pas les français (j'en parlais au Caveau à des spectateurs "pas au courant" !) mais que toutes les capitales ont imité; s'y voyaient et surtout entendaient, des "jeunes" (comme ils disent) se déversant Gare du Nord pour mettre un peu la panique dans Paris en cette soirée festive.
Ca hurlait donc (la violence est de tous les instants pour cette partie d'une génération) à qui mieux-mieux dans la rame, obstruait les entrées pour générer quelque querelle ou bloquait les portières pour empêcher le train de redémarrer.
Il y avait là, sous mes yeux, et surtout dans mes oreilles, un monde qu'on a voulu "à part" qui venait au banquet des bourges pour y renverser verres et bouteilles.
Nous sommes tous coupables de cette situation : ceux qui répriment sans discernement, et ceux qui n'ont pas vu venir l'effroyable réalité; les uns "de droite", les seconds d'une gauche naïve qui s'est empêtrée dans un humanisme aveugle.
De quelque bord qu'ils soient, je souhaite bien du plaisir aux gouvernants qui auront à gérer une situation qui ne fait qu'empirer.

Heureusement, pour nous distraire, il y a Rachida.
Pour une fois, grâce à un lapsus (!), je l'ai presque trouvée sympa.
Et si, finalement, c'était un être humain ?

 "J'me la pète, mais je peux : je suis Herbert Von Karajan !"

Ah oui, j'oubliais : les noctambules peuvent me voir à la télé avec mes camarades du Caveau; mercredi à 0h15, TMC rediffuse le spectacle 2008.
Y'a du beau monde : outre les piliers (Perrin, Adam, Détroit, Fromet), c'étaient les presque-débuts de Gaspard Proust.

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