Au milieu de l'après-midi sur la plage de la Salis à Antibes, au milieu de ce brouhaha en mix de cris de mômes, de mouettes, de klaxons, de sirènes de bateaux et de poste à transistors (on disait simplement "un transistor"), à heure pile débarquait le monsieur à la casquette siglée, aboyant : "demandez France Soir ! demandez France Soir !", toujours 2 fois, suivies d'une pause, toujours de même durée, orchestrées savamment pensai-je, dûes sans doute à l'habitude, à l'automatisation vocale, suis-je enclin à penser aujourd'hui.
Nous, France Soir, on l'achetait jamais : d'une, on avait pas de sous, de deux, on avait acheté Nice Matin ... le matin, et de trois, le paternel disait que c'était un journal de parigots.
Je ne sus que longtemps après qu'à cette époque le quotidien du soir bouillonnait sous la férule d'un grand homme de presse, Pierre Lazareff, l'un des producteurs de l'historique "Cinq colonnes à la une" à la télévision, émission dont on n'aurait manqué un numéro sous aucun prétexte.
L'autre soir trainait dans la loge du Caveau de la République un exemplaire du France Soir d'aujourd'hui.
On affirme, dans les milieux journalistiques et ailleurs, que c'est l'incomparable Philippe Bouvard qui est responsable de la déchéance du titre, aujourd'hui aux mains de gougnafiers qui en ont fait le plus crade des torchons.
Laid, vulgaire, avec ses photos saturées, ses titres racoleurs, ses chroniques morandinesques, sa mise en page visant à "guider" un lectorat supposé d'esprit simple, ce truc n'est même pas l'ombre de lui-même : il est le "rien" absolu dont on se demande qui peut bien l'acheter (à part ce camarade artiste dont je tairai le nom avec ce qu'il me reste de notions de charité chrétienne).
Pourquoi payer ce que monsieur Bolloré, avec son "Direct Soir", offre généreusement aux foules s'engouffrant à cinq heures dans les bouches de métro ?
A J.Pierre, notre "M. Sécurité" congolais, qui le parcourait l'autre soir, je demandais pourquoi il lisait cette chose, ce à quoi il me répondait en toute logique "on me l'a donné, alors je le lis".
Je lui fis remarquer que si on le lui donnait, c'est que ça ne "valait" rien.
Je me demande pourquoi "France Soir", qui se veut "Sun" à la française, n'est pas gratuit.
Et, surtout, pourquoi il existe.
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