Un simple coryza (rhume de cerveau) peut vous paralyser ou, inversement, vous faire faire des choses insensées, comme du shopping un vendredi de décembre à sept heures du soir, sous la pluie, boulevard Haussmann, entre deux représentations au théâtre.
Même un habitant de (au hasard) Romorantin sait qu'en la période qui précède Noël, il faut éviter le secteur des grands magasins en fin de journée et, surtout, en fin de semaine à l'orée des vacances scolaires.
Un peu fiévreux (environ 55.2), donc légèrement hagard, je traverse le magasin de "décoration de la maison" sans rien voir, sans rien acheter ; un vigile me jette un regard suspicieux quand je m'assieds sur un canapé Cinna pour me moucher, émettant un concerto pour trompette et orchestre du plus gracieux effet : mais il y a urgence, voyez-vous, car je me sentais pataud et tout congestionné des voies respiratoires.
Je file au Galeries Lafaillite (du consommateur lambda) où un vendeur très très très Michel Serrault dans "La cage aux folles" me toise tout d'abord -j'ai mis mon pardessus à l'envers et ne me propulse que par petits bonds gracieux, il est vrai- et m'informe que le seul produit que j'avais la ferme intention d'acheter n'est pas disponible.
Il me toise, me retoise, et m'entretoise : "Mais, monsieur, on ne fait plus depuis au moins deux ans !".
Ce à quoi, je lui rétorque : "C'est dobage, berci quand bêbe" avant de repartir dépité, maudissant les salauds qui m'ont habitué à ce cosmétique que j'utilisais avec parcimonie.
C'est là l'erreur, car, si tous les consommateurs de cet onguent sont aussi économes que moi -est-ce de ma faute si c'est un produit qui donne vraiment le résultat attendu ?-, le renouvellement s'est fait attendre et le monsieur qui lit les chiffres, les bilans, et tout le tintouin, a dû réunir tous ses subordonnés et leur dire : "On cesse la production de la crème Kiranbo, because (il a fait Harvard) ces cons (il a su rester simple) en achètent plus.
Ca arrive souvent, ça, avec toutes sortes de produits : vous vous habituez, c'est l'un de vos plaisirs absolus, et paf, un beau jour (pas beau pour tout le monde) vous ne trouvez plus votre gâteau, votre boisson (ou autres), votre clé à ouvrir les boîtes de sardines* avec languette favoris et, quand vous vous renseignez, il y a toujours quelqu'un pour vous toiser et vous dire que "ça" se fait plus.
Ces moments où vous devez renoncer à tout jamais, vous ne vous en consolez tout à fait.
D'un coryza, en revanche, on sort (normalement) indemne ; si tout va bien, mon prochain billet sera plus cohérent, promis.
* Pour mes plus jeunes lecteurs avides des choses du passé : il fut un temps où le couvercle d'une boîte de sardine était équipé d'une languette que l'on introduisait dans la fente d'une clé en métal ; une fois la languette emprisonnée dans la dite fente, on tournait, tournait, tournait, enroulant le fer blanc de la boîte jusqu'à ce que les sardines vous soient toutes apparues.
C'était rigolo, souvent, car ça pissait le sang si, comme quelqu'un que je connais, on était pas doué pour les travaux manuels.
Si on ne possédait pas la précieuse clé (censée se trouver dans tout bon tiroir de cuisine qui se respecte), on pouvait avoir recours à une scie à métaux.
Si on n'avait pas de scie à métaux, on regardait la boîte comme un con et on se décidait à passer au pâté de foie... si on possédait un ouvre-boîtes.
Je me souviens d'un tentative d'ouverture de boîte de pâté Hénaf (n'en achetez pas, c'est dégueu) à l'aide d'un tourne-vis et d'un marteau qui se termina aux urgences.
Comme quoi, je délire bien, mais leur système d'ouverture à anneau est un réel progrès. De nos jours ! Car, au début, l'anneau vous restait dans la main, laissant la boîte hermétiquement close, et il fallait alors trouver l'ouvre-boîte classique qu'on avait relégué allez savoir où, et le pâté pas bon vous narguait, inviolable, et vous jeûniez jusqu'à l'ouverture de la quincaillerie la plus proche.
J'espère que vous avez apprécié ce billet essentiel.
Boîte de sardines avec la clé ad hoc.
(Musée des arts et métiers)
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