Celle, la 8, de l'UGC Georges V, un peu plus grande que mon salon, est pleine à craquer en ce samedi où la "plus belle avenue du monde" est noire de monde ; on essaie de fendre la foule qui s'y presse pour voir les illuminations (réussies et, nous dit-on, hautement écologiques), faire des achats en prévision des fêtes ou (150 mètres de file d'attente !) tenter une incursion dans le nouveau Mark's and Spencer des Champs : la marque d'outre-Manche fait en effet un retour en fanfare dans la capitale, après un départ peu glorieux il y a quelques années, qui laissa quelques employés sur le carreau, et une clientèle ultra-chic désemparée (on y comptait même quelques dandys socialistes...) en pénurie, désormais, de Cheddar authentique et Cottage Cheese délicieusement granuleux.
The Artist, de Serge Hazanavicius (tiens, je l'écris du premier coup !) restera sans doute comme le film le plus malin de la décennie : le matois Thomas Langmann doit se frotter les mains d'avoir pu donner naissance à ce film conceptuel qui n'aura aucun mal à faire une carrière internationale ; on sait d'ailleurs qu'il a su conquérir de l'autre côté de l'Atlantique, en sérieux candidat aux Oscar (R).
On s'est battu à Télérama (une critique "pour" et une critique "contre") que je relis pour le coup, après avoir le film : mon opinion se situe entre la louange excessive et l'anathème snobinard, tendant tout de même davantage vers un avis positif.
Certes, on pourra reprocher au film (et de ma part, c'est un comble !) son manque d'américanité (néologisme qui me vient comme ça), tant Dujardin -ce n'est pas un reproche- symbolise LE français dans toutes ses splendeurs et petitesses (dans OSS 117, il se transcende !).
On peut dire aussi qu'il est "trop parfait" (puisqu'on met des "trop" partout de nos jours !), mais au vrai sens du terme.
Les spectateurs du Festival de Cannes ont dû se dire "ah, voilà le Prix d'interprétation masculine !", prix qu'il aura tout fait pour mériter car oui, il "assure" de bout en bout, en grand professionnel ; comme le "méchant" critique de Télérama, j'ai été moins convaincu par les passages dramatiques où l'on n'a pas su m'émouvoir, moi dont les yeux s'embuent si facilement au cinoche.
Mis à part cela, pour les amoureux du cinéma, c'est un festival de clins d’œil et de références en feu d'artifice permanent : bonjour "Singin in the rain", hommage à Chaplin, au Wilder de "Sunset Boulevard", à Cecil B. De Mille (le "réalisateur" du film "dansant" me fait penser à lui, ou a Lubitsch, à qui vous voudrez, à qui vous aimez en fait).
The Artist offre aussi une impeccable reconstitution de l'ambiance particulière des grands films du "muet" : intertitres, photographie en noir et blanc à l'identique, jeu des acteurs de l'époque, on y est !
L'hommage est aussi dans la bande originale due à Ludovic Bource qui "recrée" une musique d'époque d'une belle facture, utilisant avec beaucoup de maîtrise les ressources de l'orchestre symphonique.
On entend aussi, ce qui doit forcer à l'humilité, le chef-d’œuvre de l'immense Bernard Herrmann composé pour "La mort aux trousses", et, malheureusement pour le jeune compositeur, c'est ce thème-là qui nous trotte dans la tête dans les heures qui suivent la projection.
Pour revenir à la distribution, Bérénice Béjo (Béjo ajouterait Dario Moreno !) est épatante dans le rôle féminin principal ; quant à James Crowell (Clifton, le majordome), il est tout bonnement exceptionnel !
The Artist, film muet, dans une salle bondée qui retient son souffle, ses mastications et autres raclements de gorge toute la projection durant, ce n'est pas un mince exploit !
Bérénice Béjo dans ce qui est pour moi la plus belle scène du film.
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