Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

lundi 10 janvier 2011

Les amants de la nuit : coup d'essai, coup de maître !

Le jeune Bowie s'évade de prison avec deux autres détenus qui l'entraînent rapidement dans une attaque de banque. Il rencontre l'amour et croit pouvoir vivre en paix, mais ses complices le rattrapent.




Le premier film (1948) de Nicholas Ray, cinéaste à part dans l'univers hollywoodien de l'après-guerre, est le film préféré de Quentin Tarantino; le réalisateur "maudit", mort dans la précarité en 1979, est reconnu aujourd'hui comme un très grand.
Pour J.Luc Godard, le réalisateur de "La fureur de vivre" "personnifiait le cinéma" : on le comprend en découvrant ce film admirable qui porte en lui les prémisses de la nouvelle vague française par son montage ultra-nerveux, une utilisation aiguë de la photo en noir et blanc et une abondance de gros plans (Sergio Leone, lui aussi, ne manqua jamais de souligner qu'il devait beaucoup à ce "Nick" auquel Wim Wenders consacra un long-métrage : Nick Movie's).
Dès le début, Ray installe un lourd climat contrebalancé par l'histoire d'amour en quasi bluette entre les deux principaux protagonistes.
Les thèmes de "La fureur de vivre" sont déjà présents : le jeune héros, joué par Farley Granger, se débat dans un monde fait par et pour les adultes, le malaise croissant tout au long de ces courtes 95 minutes se concluant par une tragédie inévitable dans ce contexte.
L'amour transforme Keechie (Cathy O'Donnel, magnifique), gamine chiffonnée qui devient femme en lumière sous l'effet du sentiment amoureux irrépressible qui naît dès les premières secondes de la rencontre en coup de foudre jamais appuyé.
Mon spectateur voisin de canapé me demande dès la dernière image : "alors ?"
Je suis encore dans le film, ne sachant que dire, si ce n'est que je suis surpris par sa modernité, pour les raisons que j'évoque plus haut.
Il y a déjà du "Bonnie and Clyde" dans "Les amants de la nuit" (They live by night) et bien d'autres grands films subiront son influence.
La carrière de Ray ira ensuite en dents de scie, du sombre "Johnny Guitar" (qu'il me faudra revoir, car j'en ai une opinion sans doute erronée)  au foudroyant "Rebel without cause" (La fureur de vivre) qui fait éclater l'ensorcelant charisme de James Dean, dont la mort prématurée laissera Ray à jamais inconsolable.
Il y aura le passionnant "Derrière le miroir", le somptueux "Traquenard" (ah, Cyd Charisse et Robert Taylor !) et ce péplum "de commande", "Le roi des rois" où Nicholas Ray parvient à à instiller des thèmes qui lui sont chers, glissant dans le Nouveau Testament des références "politiques" que Pasolini développera dans son "Evangile selon St Matthieu".
"Le Roi des Rois" figure d'ailleurs dans mon Panthéon personnel de films "commerciaux" "à grand spectacle" dont je me régalais, enfant, sur l'écran géant du Capri qui fut comme une seconde maison, où je découvris les westerns de Leone, les grosses machines comme "Cléopâtre" dont je suis encore incapable aujourd'hui après vingt visions de dire s'il s'agit d'un chef-d'oeuvre ou d'un film raté !
Besoin de fric, Ray tourna aussi dans les années 60 la superproduction "Les 55 jours de Pékin" qui fait dire qu'un film portant sa signature ne peut être tout à fait mauvais.
Pour revenir à ces "Amants", je conclurai en me répétant : il est l'un des fleurons d'un "nouveau cinéma" qui sortit Hollywood de sa routine.
Et ce n'est pas rien.


Un seul vrai baiser : s'aimer en ce bas monde est périlleux.

L'association de malfaiteurs est une prison.

Mariage d'amour "à l'arrachée"

Ennemi public malgré lui, Farley Granger ("L'inconnu du Nord-Express", "Senso")


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