Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

dimanche 9 mai 2010

Un dimanche pas comme les autres

Avec ce titre, je paraphrase celui d'un film des années 70 un peu oublié aujourd'hui que réalisa John Schlesinger (Marathon man) avec Glenda Jackson et Murray Head, ce dernier étant plus connu de ce côté de la Manche comme chanteur.

Depuis ce matin, le ciel par-dessus nos toits hésite entre le gris-clair et le bleu-pâle, le soleil daignant de temps à autre y faire quelque trouée.
On se lève de bonne humeur après une soirée de samedi au Caveau où public et artistes se sont trouvés en symbiose comme rarement : quand la magie opère à ce point, on ne peut que se surpasser.

L'hirondelle du faubourg : des couleurs qui rient
Ils sont devenus plus rares ces déjeuners chez Véra Belmont.
Je n'en apprécie que plus celui-ci, en tablée restreinte (quatre convives), avec le petit-fils pas encore allumé à cette heure pour lui matinale, le compagnon de la cinéaste, et Miss Belmont en mode "piles chargées à bloc" comme à l'accoutumée.
Véra m'offre "L'hirondelle du faubourg", ce livre où elle s'entretient d'un passé peu commun avec Anne-Marie Philipe, la soeur du grand acteur.
Elle assortit le cadeau d'une dédicace que je ne puis retranscrire ici tant elle touche à l'intime ; la transmettre serait d'autre part d'un manque de modestie indécent.
Je quitte la maison guilleret et ému à la fois : je veux aller acheter un film oublié (décidément !) des cévintises, intitulé "L'homme de désir" où, si mes souvenirs sont clairs, apparaît justement la maison que Véra acheta il y a quelques années à côté de celle de Jacques Tati.
Cette maison a un passé quelque peu sulfureux : ce fut un établissement de bains "pour hommes" où l'on put, en son temps, croiser André Gide venu épancher des penchants (oh, musique des mots !) à l'époque inavouables.
J'aurai un peu plus tard une explication sur la chevelure presque rouge arborée par Véra depuis toujours en lisant (c'est passionnant !) les premières pages de son livre : à l'Hôtel Lutetia, juste après la fin de la deuxième guerre mondiale (celle qui précéda la troisième où nous venons d'entrer ai-je entendu dire il y a peu), une foule de désespérés venaient chaque jour chercher des nouvelles de leurs proches déportés.
Parfois, la bonne nouvelle venait ensoleiller le sombre climat qui y régnait ; le plus souvent, hélas, la personne "en quête" repartait bredouille, brisée pour l'éternité.
Véra garde le souvenir d'un lieu couleur de muraille où les grandes personnes s'habillaient de grisaille.
Pour cette raison, elle opta par la suite, des pieds à la tête, pour "des couleurs qui rient".

D'Avatar en avatars
Au lieu d'aller "sur les Champs", je choisis de me procurer "Avatar" en Blu-ray (il faut bien que de temps à autre je donne à manger à mon ampli 5.1 qui n'en peut mais du son monophonique de mes vieilleries) et le film de Dominique Delouche au " grand magasin de la vierge" lové dans les entrailles du Musée du Louvre.
Des "Avatar", on en trouve ici à la pelle : en DVD, en Blu-ray, en produits dérivés de toutes sortes...
Pour mon film inconnu par contre, il aura fallu que le vendeur se livre à des recherches dignes d'un Sherlock Holmes pour parvenir, finalement à m'en dénicher un exemplaire : bingo, et hop, tugudu, ça c'est un dimanche.
Et ce n'est pas fini.

Les yeux aux ciel
Je quitte le Louvre au moment précis où le soleil choisit de s'imposer pour, au moins, une bonne demi-heure ; ce qui, par les (mauvais) temps qui courent, est un cadeau inestimable.
Je ne sais pas encore pourquoi, mais, venant du Rond Point des Champs Elysées par la ligne 1, on avait annoncé tout-à-l'heure par voie de haut-parleurs que les stations "Tuileries" et "Palais Royal" étaient fermées pour "cause de manifestation sur la voie publique" disent-ils en langage èratépesque.
Une "manif" un dimanche dans ce quartier ?
J'y reviendrai.

Je ne sais si je l'ai déjà écrit ici, mais les jardins du Palais Royal sont l'un de mes lieux de flânerie de prédilection ; l'endroit rêvé pour commencer le bouquin qu'on vient de vous offrir, tiens !
Avant de les arpenter, je m'assieds à la terrasse du Nemours où je commande "un verre d'eau, et aussi un café s'il vous plaît" parce qu'il m'arrive d'être drôle et ironique ou ironique et drôle, bref, ceux qui me connaissent... me connaissent.
J'ai choisi d'écouter, via les oreillettes de mon baladeur la bande originale du film "Les chansons d'amour" que je n'avais écoutée depuis fort longtemps ; et, c'est fou, vous allez voir, mon inconscient me disait que c'était vraiment ces chansons-là qui s'imposaient à ce moment-là.
Je feuillette un peu "L'hirondelle" (le livre, n'est-ce-pas, car j'ai toujours été tendre avec les animaux auxquels je ne ferais pas plus de mal qu'à une mouche,c'est dire !) et bois mon café en observant les passants qui font leur boulot, à savoir qu'ils passent.
C'est au moment de régler (2€60, ils abusent !) que je porte enfin mon regard sur mon voisinage immédiat, à savoir la table qui jouxte la mienne ; je vous le donne en mille quatre cent cinquante cinq : à l'instant où résonne dans mes tympans la chanson "Les yeux au ciel", mon regard croise celui de... Louis Garrel !
-Fichtre, lui dis-je (ou peut-être "merde", je ne sais plus), figurez-vous que je suis précisément en train de vous écouter chanter !
Un large sourire illumine son visage d'adulte-adolescent (mais comment font-ils, ces acteurs à la vie sans nul doute dissolue, médis-je in petto, pour être jeunes, beaux et frais un dimanche à l'aube vers 15 heures ?).
Et vous savez ce qu'il me répond ?
MA phrase, culte pour mes meilleurs amis et moi-même, celle que je prononce depuis la retraite de Russie à chaque entrée sur scène : "Vous avez bon goût" ; et de s'esclaffer quasiment...
Bon, vu que je suis poli, je n'en profite pas pour démarrer une conversation qui me ferait passer pour un fâcheux et lui rétorque, bredouillant quelque peu : "Bon, ben, je vais y aller, bonne journée !".
Ce qui, vous en conviendrez, est d'une rare pertinence.

Emu comme un décérébré qui vient de croiser Lady Gaga, je vais à mon but final (groupons-nous et demain...), les jardins du Palais Royal où je m'installe pour boire un autre café, car il faut bien ça.
J'y dévore "L'hirondelle" (le bouquin hein, car j'ai déjà déjeuné) en écoutant, pour oublier, la 9ème de Malher dirigée par Bernstein que Gaspard Proust (il est partout celui-là en ce moment, vous avez remarqué ?) m'a passée via une clé USB, car c'est ainsi qu'on s'échange notre soupe pas populaire tous les deux.
Arrivé à l'hôtel Lutetia, (dans le livre, hein, vous suivez ?), je quitte à regret ce havre de paix où l'on ne croise guère, le dimanche, qu'un petit millier de personnes de toute nature et entreprend de me diriger vers la Concorde, cette place où fut exécuté, je ne vous l'apprends pas, feu Louis Capet, dit Louis n° 16.
Heureusement que tous les événements que je viens de narrer me sont arrivés en brassées de roses, car la suite, un autre jour, eût pu me gâcher la journée.
Mais-là, ce fut presque rigolo (voir la suite).

France=chrétienté
(Où l'auteur comprend pourquoi deux stations de métro hyper-fréquentées par les touristes, sont fermées ce dimanche-là)

Empruntant (mais j'ai promis de la rendre) la rue de Rivoli pour rejoindre, donc,  la place où Louis 16 perdit la tête, je tombe front à front (pour changer un peu d'un "nez à nez" un tantinet galvaudé) avec les 1457 personnes et demie qui, absolvez-m'en mon père, foutent le bordel dans le quartier depuis deux heures d'horloge : portant haut des oriflammes bleus à fleurs de lys, des mémés et des pépés (mais pas de pépées) qui sont pas contents apparemment, plein de scouts et de scoutesses (mais pas de scooters), avec, tout autour, quelques jeunes gens musclés en jaune-fluo qui n'ont pas beaucoup de cheveux sur la tête battent le pavé à défaut d'avoir un basané sous la main.
Tout ce petit monde, mitraillés (en photo, n'exagérons pas !) par les japonais ravis (les japonais sont toujours ravis) de mettre en boîte les jolis petits drapeaux et les gens bien propres qui vont avec, tous ces gens, disais-je, martèlent (Charles Martel est leur idole) le slogan "France = (le = étant sous entendu) chrétienté.
Allez-donc rappeler à ces andouilles que la France est une République laïque et pas un pays chrétien, musulman ou scientiste si vous avez du temps à perdre...
A cet instant, je pense très fort à mon hirondelle, au lapin aux pruneaux de midi, au Saint Emilion (un saint laïque me dis-je), à mes premières fraises de la saison (j'ai fait un vœu, mais pas de chasteté), au sourire de Louis Garrel et m'engouffre dans le métropolitain, guilleret : n'ont pas réussi à jouer en moi les trouble-fêtes, ces pisse-froid !

Aux Tuileries ! (et à double-tour !) - Photo pas terrible de G.Héssème
et c'est pas plus mal.

Pa-ssio-nnant !
Achetez-le : je veux encore plein de fraises !

- Louis Garrel (photo David Amstrong) -

Nota : la vidéo ci-après où, aux côtés du chanteur, Cabrel, Berger, Gall et Balavoine font de la figuration intelligente peut apparaître kitchissime.
Mais, à chacun ses faiblesses,  j'aime cette chanson :

Alain Chamfort I Palais Royal

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