Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

lundi 7 mai 2012

L'événement


Quand, dimanche dernier, 6 mai 2012, nous arrivons rue de Solferino, une foule déjà considérable a envahi cette artère d'un quartier chic de la capitale où se trouve le siège du PS. En peu de temps, elle va enfler jusqu'à déborder dans les rues adjacentes, d'ordinaire si paisibles, entre antennes de ministères, bureaux et appartements très bourgeois.
Il est un peu moins de dix-huit heures quand les premières rumeurs circulent, dont celle de l'annulation du rassemblement prévu pour fêter l'éventuelle victoire de l'adversaire, de l'autre côté de la Seine, Place de la Concorde.
Oriflammes claquant au vent, ovations et hurlements quand l'image de cette foule déjà ivre de joie apparaît en direct sur le grand écran qui retransmet les émissions des grandes chaînes de télévision, l'ambiance se fait de plus en plus exaltée. Au point que nous choisissons de battre en retraite : les bouches du métro déversent un flux ininterrompu de parisiens désireux de vivre l'événement au milieu du peuple rassemblé ; il y a trop beaucoup trop de monde pour un espace aussi limité (on verra que même la Place de la Bastille sera vite saturée), où les maigres forces de police affichent une certaine passivité, où nous n'apercevons aucun véhicule de secours, où les bus continuent de circuler (!), aussi choisissons-nous le repli vers mon appartement pour voir apparaître à l'écran le visage du nouveau Président.
A 20 heures et 2 minutes, on entend les premiers coups de klaxons dans la rue Ordener après les cris de joie venus du bar du carrefour.
Nous attendons le discours de Hollande en direct de Tulle, suivi d'un concert d'accordéon qui nous décide à partir vers le lieu où se fait l'Histoire, Place de la Bastille, où nous attendent de nombreux amis. Las, vu la foule, nous aurons bien du mal à les rejoindre. Paul A. et son adorable épouse nous attendent rue Saint Antoine, que j'ai le malheur de confondre avec la rue du Faubourg Saint Antoine : il nous faudra donc un temps infini pour les rejoindre. La place et toutes les rues adjacentes sont noires d'un monde euphorique que nous devons contourner pour arriver à l'adresse indiquée. D'autres nous cherchent sans parvenir à nous rejoindre, bloqués dans la cohue. Petit dîner improvisé avec notre couple amical, charcuteries, fromage, salade, tout juste comestibles, mais l'ambiance ne prête guère à la critique. Et la serveuse est aimable, efficace, complice.
Nous regagnons ensuite la place où l'excitation atteint son comble quand le Président élu fait son entrée sur l'immense scène où se sont succédés, depuis 20 heures, ténors socialistes et alliés et musiciens et chanteurs, l'ineffable Noah en tête.
La voix de François Hollande est altérée par tant de prises de paroles, les mots sont justes, sincères, authentiques. La Marseillaise qui suit, chantée à milliers de gorges déployées est certainement la plus émouvante, la plus vibrante, que j'aie entendue depuis longtemps !
Le héros du jour parti, nous entamons notre repli. La RATP a maintenu 2 lignes de métro ouvertes. Pour nous, qui habitons le 18 è (71% des voix à Hollande, excusez du peu !), ce n'est guère pratique. Traversant le Marais, nous décidons de rejoindre Hollande-land (!) à pieds, comme des centaines d'autres que nous suivons ou croisons tout au long du parcours. Je ne dis rien, mais je commence à ressentir sérieusement la fatigue de la journée. Peu après la gare de l'Est, sur le boulevard Magenta, mon compagnon de marche négocie un transport en taxi (le premier taxi "libre" sur des kilomètres) avec deux jeunes filles qui l'avaient hélé en même temps. Chance, l'une d'elles habite rue de Clignancourt, l'autre repartira ensuite pour Vanves (à l'opposé !), et nous pouvons enfin rejoindre nos pénates.
Epuisé, heureux, je m'endors peu après 3 heures, réveillé à 6 heures par une Marseillaise fictive qui ne veut plus me quitter.

  Rue de Solferino, vers 18 h. On vient d'apprendre que "la Concorde" est annulée. On remarquera les panneaux en bas à gauche...
La Bastille, 0h45 : la Marseillaise avec Hollande.

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