Avant d'aller me délecter d'une cuisine toscane en majesté (ah, leur manière de vous transformer une entrecôte en "bistecca" parfumée !), petite virée, hier, en froide après-midi sur le mode février, dans le quartier des éditeurs.
Place Saint Sulpice, sous le soleil qui peine à me réchauffer, le Café de la Mairie attire bourgeois, touristes ("ça doit être bien, ici, c'est bondé !"), écrivains et modeux.
Pour dérouiller mes articulations, une petite promenade de santé jusqu'au carrefour de l'Odéon, puis virage à droite vers la rue de Buci, Taschen où, pour une fois, je n'achète rien, car mes déambulations et l'air frisquet m'ont donné une faim de louve romaine.
"Cosi" m'attend, rituel de mise en ce quartier, où j'emmène habituellement mes amis provinciaux de passage (tu dois peut-être t'en souvenir, "toi" qui me lis) : ici, on fait dans le sandwich à l'italienne, d'une focaccia sortie d'un véritable four de boulanger que l'on agrémente d'ingrédients à choisir parmi la pléthore d'antipasti qui vous allèchent derrière la vitre du comptoir.
"Aqua frizzante" en avant-goût de ce qui m'attend en Italie où l'on n'a pas le toupet de la vendre à des prix indécents, comme à la terrasse de cette brasserie du 18è où je ne mets plus les pieds, bien que le tambour de ville clame que les nouveaux propriétaires ont engagé des serveurs plus avenants que les grincheux qui faisaient fuir tout chaland exigeant : dimanche à Vincennes, dans la foule qui envahissait "Le Drapeau" et faisait croître substantiellement le chiffre d'affaire du jour, la tronche des garçons de café et de leur patron (pas un "gaucho", sans doute !) n'incitaient pas à la consommation. Nous avons trouvé bar plus sympathique dans une ruelle, avec un barman "rebeu" qui, lui, savait profiter de l'aubaine et contentait son monde à des tarifs plus que raisonnables.
Le loufiat (ah, l'insulte !) de nos contrées capitales n'en reste pas moins célèbre pour son humeur massacrante de rigueur.
Mais je m'éloigne de la rue de Seine, où ma focaccia, simplement garnie d'une belle tranche de jambon de Parme, de tomate au goût de tomate (rare !) et de mozzarella de bufflonne, calme mes appétits de marcheur épuisé.
Me promenant ce matin sur le site de François Simon, je vois que le billet du jour est précisément consacré à cette "sandwicherie" d'un genre particulier, où, il omet de l'écrire, on déguste sa pitance à l'étage sur un air d'opéra (hier, ce fut Turandot, pas moins !).
François Simon a le chic pour mettre ses pas dans les miens (la Villa Médicis ou "Armando" à Rome), ou moi dans les siens, Lucullus tranchera.
Pour la peine, je lui pique sa photo.
Ah tiens, lui, il a pris jambon-ricotta ! Photo F.Simon |
J'écris et remanie à en devenir dingue : le premier qui dénigrera les écrivains (même les amateurs comme moi) prendra mon pied où je pense.
Entre deux sessions laborieuses, hier soir, j'ai revu "Le bon plaisir" de Francis Girod sur Arte.
Sur un scénario de Madame Françoise Giroud, le film est l'archétype de la "qualité française" des années 70.
Ici, une affaire de chantage où l'on veut compromettre le Président de la République, lequel, quelques années avant d'accéder à la fonction suprême, a "fauté" avec une jolie jeune femme (la Deneuve en sa trentaine, y a pire !) qui, seule, élève le petit garçon, fruit de l'adultère.
Le Président, c'est Jean-Louis Trintignant, flanqué d'un Ministre de l'Intérieur joué par Michel Serrault, et les seconds rôles sont épatants (H. Girardot notamment, frais émoulu, à l'époque, du conservatoire).
Coulisses de la République, secrets d'état, intrigues, saupoudrés d'un zeste de passions déviantes (on met du temps à comprendre que Michel Auclair en pince pour son jeune acolyte...), le film se laisse agréablement regarder en précurseur de cet "Exercice de l'état" récent qui demeure l'un des très bons films français de ces derniers mois.
A la fin du film, cet avertissement : "Toute ressemblance avec des personnages existant etc. etc.".
Moi, j'ai vu un mélange de VGE (celui qui ne s'est pas tapé Lady Di) et de Mitterrand (pour l'enfant caché, c'était prémonitoire, non ?).
Sandwich très digeste, donc.
Trintignant, parfait monarque républicain |
Dois-je préciser qu'ils sont excellents ? |
Au réveil ce matin, Sarkozy sur France Inter* : en campagne, d'autres ont besoin d'excitants. Lui doit s'administrer du Lexomil pour afficher ce nouveau calme olympien (ce fut le cas, susurre-t-on bruyamment pour le débat de 2007 versus Ségolène, remontée, elle) et l'aplomb avec lequel il balaie tout argument de nature à faire vaciller le penseur de Rodin. Il est très très fort, pensé-je, tout en ayant l'impression que sa mayonnaise ne prend plus.
Il assume avec la plus parfaite mauvaise-foi ses volte-faces, repousse du revers de la main les attaques d'un auditeur qui l'accable d'un "dégage !" peu courtois, et donc contre-productif, et réussit, par là-même à apparaitre en victime.
Du grand art digne de Machiavel (tiens donc, encore Florence !) qui donne à penser que ce Monsieur n'a pas dit son dernier mot et qu'il faudra se battre jusqu'au dernier moment pour qu'il... dégage effectivement.
Une tranche de bonne chère, du cinéma au milieu, une tranche de politique électorale : j'avais dit "sandwich" ?
* A lire : Sarkozy, festival du Pinocchio sur France Inter
* A lire : Sarkozy, festival du Pinocchio sur France Inter
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