Mon enfance, au Maroc tout d'abord, à Antibes ensuite, fut placée sous les auspices, pas toujours bienveillants, de la religion catholique ; la foi de la famille était surtout de convenance : à Rabat, c'était un moyen, pour les expatriés, de se retrouver ; il y régnait une certaine convivialité : la paroisse Saint Joseph de l'Océan, dont nous "dépendions", fédérait notre communauté d'ultimes coopérants d'après l'indépendance. Outre le "sacré", y étaient organisées moult festivités, y compris des bals qu'ouvrait un Père Michel à capuche (un ordre, sans doute, franciscain peut-être...) qui, selon mon père, enclin à la médisance, était une sorte de Don Juan (!), profitant de sa position pour draguer à tout-va ; du "n'importe quoi" vraisemblablement, relevant du pur fantasme déculpabilisant.
A six ans, je servais la messe matutinale avant d'aller user mes fonds de culottes chez les bonnes sœurs. L'une d'entre elles, Marie St Jean Berckmans, n'est jamais sortie de ma mémoire, femme douce et cultivée qui m'apprit à lire et à écrire. Plus tard, à Antibes, j'eus avec elle une correspondance suivie. j'attendais ses lettres avec impatience, qu'elle rédigeait d'une écriture ronde et régulière.
La messe, pour moi, surtout la "grande" du dimanche à 11 heures, était un grand spectacle : je pense que j'en ai gardé pour toute ma vie la passion de l'exhibition publique.
A Antibes, par la suite, je continuai à jouer les enfants de chœur jusqu'à l'adolescence où je me détachai peu à peu de la foi, jugeant que certaines pratiques étaient peu compatibles avec les préceptes du Vatican ; j'avais déjà en horreur l'hypocrisie, dont j'avais pu juger qu'elle faisait des ravages, y compris dans le cercle familial : je voyais tous les jours combien était bafoué le fameux message du Christ, ô combien utopique selon moi. Les génuflexions et autres signes de croix étaient mis au rencard sitôt franchi le seuil de la cathédrale. Je rencontrai à Paris, bien des années après, en milieu noctambule, un jeune homosexuel qui finit par me confier, sous l'effet de quelques verres de vodka, qu'il était prêtre à la Nonciature ! La contradiction avec les anathèmes décrétés par les plus hautes autorités de la Sainte Mère Apostolique, était si flagrante que j'entrai dans une violente colère. C'en fut fait définitivement des lambeaux de foi qui subsistaient en moi.
Ma culture, très occidentale, et l'éducation religieuse que j'ai reçue, ont cependant fait leur œuvre, laissant subsister en moi des traces indélébiles. Sans le moindre signe de croix, la moindre génuflexion, sans que ma main ne fasse trempette dans les bénitiers, j'aime toujours flâner et méditer en profane dans ces édifices érigés de mains d'hommes en des temps où la vie humaine s'organisait autour du christianisme.
Ainsi, l'autre matin, j'entrai, à Rome, dans une petite église, à quelques pas du Forum païen, la Chiesa Ss. Quirico e Giulitta (qui sont-ce ?), étonnamment ignorée du tout-venant touristique. J'y découvris un "Martyre" anonyme de l'école du Cavarage (l'image ci-dessus) que je contemplais longuement. Je me dis que, tout de même, le catholicisme avait au moins permis à l'homme de créer des œuvres immortelles, comme en témoigne la musique dite "sacrée" léguée à l'humanité par les plus grands musiciens, de Monteverdi à Gabriel Fauré pour ne citer qu'eux, Bach en étant la pierre angulaire.
Cet héritage, ce n'est pas rien :
Des "Messes brèves" de Bach, je ne connaissais que la version du suisse Michel Corboz, jusqu'à ce qu'on me fasse découvrir cette version de l'Ensemble Pygmalion qui accompagne désormais les premières heures de mes journées.
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