Des moments de grâce, des images dorées, des ciels bleus sur la lagune, des plaisirs de la table partagés avec gourmandise, des vins blancs italiens en fraîcheur fruitée, des balades nonchalantes sur les pavés de Prague, un "échassier bizarre" qui accorde ses pas aux vôtres, moins énergiques, des éclats de rire, des yeux embués de bonheur, la tristesse du retour, le poids maintenant d'une absence qu'il faut intégrer avec la meilleure humeur possible...
Mon été fut le plus doux, en plusieurs étapes entrecoupées par ce spectacle d'août à Paris en précieux palliatif.
Mercredi nuit, posant le pied sur le sol parisien, le quotidien vous agressait soudain, en odeurs nauséabondes (l'aéroport vidait à heure tardive quelque immonde cuve), en transports à la ramasse (dernier RER à 11 heures du soir et bus de substitution puis train fantôme dans l'obscurité de la plus féroce banlieue), en cris, en coups de gueule (le mien compris, "reprends-toi, Syl, rien n'est grave !"), en courses effrénées pour arriver plus vite chez soi, en havre de paix retrouvée.
Ce jeudi-là, après une nuit bien trop courte, on reprend contact avec ce qui fait votre ordinaire dorénavant.
Paris ne m'a pas attendu pour reprendre son activité "prestissimo" : la rentrée des classes s'est faite pendant l'absence ; il faut reprendre l'habitude des hurlements des lycéens dans la rue à heures fixes, de la circulation sur l'avenue voisine, de tout ce qu'il faudra occulter en écrivant, en jouant du piano, en écoutant de la musique apaisante, en "bloguant", en blaguant pour se préserver de la réalité.
J'ai plaisir à retrouver l'Atelier en effervescence à l'approche de la rentrée, le téléphone qui reprend vie après les mois de vacances, les enfants qui s'arrêtent pour faire "coucou !", les pianos dont on vérifie l'accord, à évaluer les petits ravaudages qu'il faudra effectuer avant le 19 septembre, à discuter plannings puisque les enfants d'ici ont des activités de grandes personnes, à s'efforcer d'être "sympa" avec ses troupes tout en étant ferme et clairvoyant.
Vendredi, puisqu'on est déjà vendredi, visite impromptue du député en tournée d'écoles : le nôtre, ici, en quartier à la fois bourgeois et populaire, est un socialiste classieux, attentif, efficace comme en témoignent ses brillantes réélections depuis 1997.
Il s'enquiert de la vitalité de l'école pour laquelle il a une espèce de tendresse depuis qu'il y vint pour la première fois, jeune élu rougissant flanqué de son attaché-case il y a déjà longtemps.
En fin de conversation, on parle politique : il est avec "Martine" tandis que sa charmante assistante, elle, défend la candidature de Hollande à la primaire.
On est loin des rivalités assassines dont aimeraient pouvoir se délecter nos merveilleux média : le représentant du peuple finit par reconnaître qu'il eût pu soutenir "François" avec lequel il entretient des rapports amicaux ; mais il préfère finalement la Maire de Lille, plus "à gauche" me dit-il et plus proche des écologistes, lui qui a créé dans son parti un "pôle écologie".
Entre la jeune femme et lui on ne sent pas l'ombre d'un conflit en dépit de cette différence de choix.
C'est rassurant si l'on se projette après les primaires : on peut espérer que les soutiens des deux principaux candidats se réuniront après la bataille pour partir à la conquête du pouvoir.
L'après-midi du même jour, je m'escrime contre le grand Yamaha : je ne sais plus jouer.
J'ai grand peine à trouver le "bon son", ma technique est défaillante (surtout ma main gauche de... gaucher !), mon doigté est hasardeux, raideur, mes grands élèves feraient bien mieux.
Hormis un Prélude qui finira par "venir", le Clavier Bien Tempéré n'en a plus que le nom.
Piteux, je reprends les "petits préludes et fugues", lentement, concentré à l'extrême, pour me rassurer.
La magie finit par s'inviter : E. s'est subrepticement installé dans la salle, que je ne veux pas décevoir, auquel je veux transmettre du "beau".
Consciemment ou non, il m'aide à revenir.
Mes doigts se font plus précis, le son plus chaud quand, tout de même, j'aimerais qu'il soit de clavecin.
Je m'amuse maintenant des transcriptions de JSB des concertos italiens de Vivaldi ou de Marcello que je déchiffre avec joie.
Ensuite je retrouve Mozart.
Je m'arrange de la transcription pour deux pianos du Concerto 21, le plus célèbre.
Ah Mozart !
Il doit sembler "facile" à l'écoute mais accumule les difficultés techniques, les coups-tordus subits au détour d'une phrase que l'on prévoyait limpide, le salaud !
Mais quel bonheur !
L'heure est au départ, que je n'ai pas vue tourner, oubliant mon intention d'origine de me rendre boulevard de Sébastopol pour un course que la musique a rendue moins urgente.
Le soir, seul à la maison, je me projette un film américain, "Mensonges d'état" que j'ai loué : bruit et fureur (!), terrorisme, hélicoptères (dans les enceintes, en son "multicanaux", ça le fait, comme on dit !).
Et puis il y a Leonardo en espion de la CIA qui court, que l'on bat, que l'on torture (maman !), qui aime, qui s'en sort à la fin évidemment, qui n'est pas à son meilleur mais bon, tant pis, c'est Di Caprio l'unique !
Bach, Mozart, Di Caprio, allez, c'est une bonne journée.
F..k, tu vas le faire sonner ce piano !
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