Le
spectacle vivant ne va pas bien.
Hormis
quelques têtes d'affiche "vues à la télé" que le grand public veut
voir "en vrai", le spectateur curieux, avide de découverte, est
espèce en voie de disparition.
Dans
le domaine de l'humour, il y a inflation de "nouveaux comiques" prêts
à tous les sacrifices pour trouver leur public : quand, dans le passé, il se
trouvait quelques directeurs de salles ou producteurs pour prendre des risques,
le jeune humoriste doit désormais louer des salles –le plus souvent
inconfortables et mal adaptées à la prestation scénique- lesquelles, selon le
jargon du métier, font du "garage".
A eux
de coller leurs affiches et de faire des tentatives souvent désespérées pour
faire connaître leur spectacle.
Le
plus souvent, ils sortent de l'expérience avec plaies et bosses sauf si le
miracle du bouche à oreille s'est produit : il est vrai qu'un talent avéré
passe rarement inaperçu pour peu que l'artiste ait une conscience aiguë du
"relationnel".
Hors
du "garage", le fantaisiste peut également se produire "au
chapeau" dans des lieux où la consommation est obligatoire ; c'est tout
bénéfice pour des tenanciers dont les préoccupations d'ordre artistique restent
à démontrer.
Le
procédé permet d'afficher sur les sites spécialisés, très fréquentés, que le
spectacle est "gratuit" !
Sur
ces mêmes sites on assiste ainsi à une immense braderie qui draine le public
vers les spectacles gratuits ou peu onéreux d'accès souvent de piètre qualité.
Ayant
la chance de travailler dans un lieu où chaque artiste, connu ou débutant,
reçoit un cachet en bonne et due forme pour chaque prestation, bénéficiant de
tous les droits professionnels inhérents, il m'arrive de me demander comment ce
genre de théâtre peut tenir le coup et pour combien de temps.
Il
est évident qu'un lieu qui paie décemment les artistes –avec les charges
sociales qui en découlent- ne peut vendre ses places "en solde".
A
Paris, en la matière, s'exerce ainsi une
concurrence déloyale qui, de plus, aboutit à un nivellement par le bas.
Si le
Caveau de la République demeure un tremplin où sont éclos des Stéphane Guillon et,
tout récemment un Gaspard Proust, c'est parce qu'il y a une réelle volonté de
proposer au public du neuf de qualité, encadré par des artistes chevronnés que
l'on voit pourtant rarement à la télévision : le public qui s'est écroulé de
rire pendant plus de deux heures se demande bien pourquoi, au demeurant.
Dans
un entretien récent à Télérama, Gaspard Proust, qui a la reconnaissance du
ventre et du cœur, affirmait "le Caveau m'a nourri pendant deux ans".
Dans
un lieu où l'artiste peut jouer chaque soir devant un public des plus variés
(de l'étudiant au retraité), il a tout loisir de polir, de peaufiner, de
tester.
Qui
d'autre, à Paris, offre une telle chance aux petits nouveaux de la profession ?
De
récents visiteurs, de Chantal Lauby à Anouk Grinberg en passant par ce cher
Fellag, ne s'y sont pas trompés qui sont sortis bluffés de tant d'énergie mise
au service du spectacle d'humour.
Aujourd'hui,
où les petits tracas de la vie quotidienne –il faut un sacré talent pour en
faire rire- sont le miel unique de la plupart des "comiques", qui
oserait mettre en vedette la férocité d'un Guillon ou d'un Proust ?
Certainement
pas ces bradeurs qui accrochent leur public –ça marche, et c'en est désolant-
avec des titres racoleurs du type "Ma sœur est une salope" ou
"Choucroute-party à Tanger" : j'invente et peux vous en trouver dix à
la minute…
On
assiste, de plus, à une "avignonisation" des spectacles d'humour à
Paris : on s'amusera à les compter dans les pages de l'Officiel des Spectacles
ou de Pariscope.
Et on
ira voir… le moins cher.
Y
retournera-t-on ?
Dès
5,00€ /pers
Entrée libre, consommation obligatoire, chapeau pour l'artiste
Dès
0,00€ /pers
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