Du temps ou j'officiais en milieu noctambule, je repoussais les limites de l'intempérance.
L'alcool était, je le croyais, un détonateur nécessaire à la mise à feu des foules festives.
Je quittai le "milieu de la nuit" à l'orée des années 90 ; dès lors, ma consommation d'alcools forts baissa insensiblement pour devenir peu à peu épisodique et toujours associée au plaisir.
Encore aujourd'hui je peux prendre plaisir à déguster lentement un vieux jus d'alambic.
Plus encore, j'apprécie un excellent cru à une table bien garnie, bien que la médecine ne m'autorise que 3 verres de vin par jour, ou peut être parce que.
J'ai eu à fréquenter des personnes, proches parfois, victimes (il n'y pas d'autre mot) de leur addiction.
Je fuis maintenant comme la peste tout être humain que cette maladie a conduit à abdiquer toute espèce de dignité.
Je l'ai déjà écrit ici : j'avais été surpris, lors de mes premiers séjours romains, de constater que le romain ivre était une espèce rarissime.
Pour eux, c'est un déshonneur que d'être vus en état d'ivresse avancée.
A Venise, c'est un français imbibé qui a gâché mon avant-dernier diner, m'apostrophant dès que je passai commande en lâchant un "merci" qui m'identifiait immédiatement comme "compatriote".
Le pauvre homme avait visiblement sifflé un litre de vin et entamait son deuxième "limoncello", un "digestif" redoutable qui se boit comme un tilleul-menthe et vous assomme quasi-directement.
Je dus ainsi subir les élucubrations embrumées de celui pour lequel j'étais devenu l'interlocuteur francophone, la proie facile en voisin de table.
La pizza que j'avais commandée aurait pu être l'une des plus délicieuses du monde si, pressé d'en finir, je ne l'avais engloutie à un tempo "vivace".
Faut-il préciser que les propos de l'homme, ceux, du moins, que l'on pouvait distinguer, n'avaient la moindre logique, balbutiés ou éructés malgré un trop vif désir de tenir une conversation "sensée".
Le repas fut expédié en une petite demi-heure, et je m'en fus, courroucé, amer, dans un état qui me rappelait celui où me laissèrent quelques soirées perdues à essayer de raisonner des personnes prises dans la même nasse.
Heureusement, sur le quai de "Fondamente Nove" presque désert, la douceur de la nuit vénitienne me prenait dans ses bras, comme pour me consoler.
"Fondamente nove", mon point d'attache lors de ce séjour.
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