A Rome flottait un parfum de cinéma entêtant.
Bien sûr, la visite obligée, par égard envers mon co-arpenteur, à la Fontaine de Trévi faisait surgir les ombres d'Anita, de Marcello et du grand Federico, malgré les nuées de touristes venus faire le geste sacré qui consiste à jeter une pièce de monnaie dans le bassin, par dessus son épaule, pour être sûr de revenir un jour.
Mais tournaient aussi dans la ville des Césars, juchés sur une vacillante Vespa, les fantômes de Gregory Peck et de ma chère Audrey Hepburn en "Vacances romaines", énormissime succès du cinéma hollywoodien d'après-guerre.
En calendriers, cartes postales, marque-pages et "merchandising" divers, la princesse et le journaliste "people", couple improbable du film de William Wyler, sont toujours, des décennies après, le symbole de la fierté d'être Rome.
Entre "Hard Rock Café" et "Harry's Bar", la via Veneto, désertée aujourd'hui par les "paparazzi", traîne sa nonchalante nostalgie des temps révolus où l'on y croisait LA Magnani, Gary Cooper, LA Sofia, LA Gina et le volubile Fellini.
Sur une photo, au "Harry's", Jean Paul II, autre star locale, ajuste son tir pour une partie de pétanque en habits sacerdoçaux.
Dans le quartier du Trastevere, le cinéma de Nanni Moretti ne projette pas "Kung Fu Panda", mais de vrais films italiens ou français de cinéastes peu connus, alors que toute la ville est envahie de publicités en tous formats - tous supports, pour le film "Hancock" avec Will Smith, dont la réputation de "navet" ne semble pas avoir franchi les frontières.
Quand la télévision italienne, Rai 3 exceptée, offre à longueur de journée le spectacle navrant de jeux et "divertissements" destinés à mettre en valeur la poitrine généreuse de "bimbos" d'une blondeur agressive, le cinéma national tente désespérement de survivre, accouchant parfois de chefs-d'oeuvre (Gomorra) qui parviennent à drainer les foules, par un miracle qui rend espoir en l'espèce humaine.
Décrite plus avant ici, l'Isola del Cinema rend hommage éperdu d'amour à Anna Magnani, revue hier soir, impériale, touchante, pathétique, dans l'un des plus beaux films de l'histoire du 7ème art, "Mamma Roma" de Pier Paolo Pasolini, ce poète-écrivain-cinéaste, assassiné pour des raisons encore obscures, par un gigolo "levé" à la "Stazione Termini", la gare centrale, immense, inhumaine, assourdissante, où les mauvaises rencontres sont toujours possibles, entre junkies "crackés" titubants et jeunes ladres prêts à tout pour une poignée d'euros.
Même si "Mediaset" (les télévisions berlusconiennes) aurait pu le tuer à jamais, le cinéma, ici, transpire par tous les pores des murailles éreintées, de "Ben Hur" à "Affreux, sales et méchants".
C'est la bonne nouvelle : le cinéma est vivant.
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