Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

jeudi 24 juin 2010

Tout n'est donc pas perdu !



La salle Pleyel hier après-midi était remplie d'une foule de gens dont beaucoup assistaient sans doute pour la première fois de leur vie à un concert de musique dite "grande".
J'ai déjà évoqué dans ces pages l'extraordinaire réussite du "Sistema" : au Venezuela, depuis qu'en 1975 José Antonio Abreu a initié le projet de permettre à des enfants des "favelas" de jouer la musique ensemble, le "système" est devenu une institution nationale.
Un témoin raconte : "Les membres composant actuellement l'orchestre ont débuté dans des orchestres de leur quartier, ont continué dans des orchestres départementaux et régionaux. Certains ont des passés de délinquance juvénile, de toxicomanie, de vols, de vie dans la rue, et pour tous, «le Système» signifie une transformation de leurs vies pendant leur adolescence et leur jeunesse. Les musiciens les plus jeunes peuvent n'avoir que deux ans, et la moyenne d'âge ne dépasse pas 22 ans. Le Système a survécu à toutes les sortes de problèmes sociaux, économiques et politiques qu'a connus le Venezuela dans les 30 dernières années, et il a toujours reçu le soutien de tous les gouvernements."*
A l'instar du modèle sud-américain, quelques passionnés se sont mis en tête de mener à bien pareil projet chez nous, en France, où la pratique musicale s'appauvrit depuis longtemps, guère encouragée par un budget de la culture qui s'amoindrit d'année en année, honte nationale aussi (beaucoup plus) inquiétante que celle bue lors de la coupe du monde de foot.
Pendant six mois, animées par des professeurs et des musiciens professionnels, des séances de travail ont permis à des mômes qui n'avaient, pour la plupart, jamais touché un instrument, de monter un orchestre à cordes qui donnait, hier, ce concert, dans la prestigieuse salle Pleyel en communion avec le London Symphony Orchestra sous la baguette de Sir John Eliot Gardiner ; rien que ça !
L'extraordinaire travail des animateurs, la complicité des membres de la fameuse formation britannique qui n'avaient pas hésité, tout au long de l'année scolaire, à faire des aller-retours pour aider à l'aboutissement du projet, portait ses fruits ce 23 juin sur l'immense scène de la vénérable salle de concerts, récemment rénovée, magnifique, épurée, confortable.
Obéissant au Chef au doigt et à l'oeil, se levant sur ses injonctions, appliqués, impressionnés sans doute, ces gamins prouvaient que la musique est un véritable message universel.
Ils jouèrent Haendel, Chostakovitch, Rameau, et une création "spéciale" et "mondiale" du compositeur contemporain Pascal Zavaro encadrés par leurs "coach" pour unir sans faillir leurs notes à celle d'un orchestre de réputation planétaire.
C'est une sacrée leçon, un exemple : ce que 23 millionnaires sans humilité ne parviennent pas à donner, la Musique le permet.
Elle abolit les frontières en langage intemporel d'une humanité fatiguée.
Chapeau !






*Source : Global Voices

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