Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
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"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)
lundi 18 août 2008
Je prends un joker.
Jusqu'à demain mardi, à Paris, le cinéma est à 3€.
J'en ai profité hier, en amicale compagnie, pour aller voir le dernier opus de Christopher Nolan : Dark Knight Le Chevalier Noir, ce qui fait beaucoup de majuscules sur une affiche et un titre qui n'est pas parvenu à trancher entre la langue de Molière et celle de Britney Spears.
Au "Normandie", sur des Champs Elysées livrés aux mafieux russes, aux épouses voilées des émirs descendus dans les palaces environnants et aux "jeunes de banlieue" comme on dit, faisant le siège du Virgin Megastore et des fast-food avoisinant, la v.o permet de voir ce genre de films sans avoir à subir les inconvénients inhérents : crissements de dizaines de mâchoires sur les kilos de pop-corn ingurgités, usage immodéré des téléphones portables, hurlements divers... bref, tout ce qui contribue à la désaffection d'une grande majorité du public potentiel à l'égard du spectacle cinématographique.
Ici, dans la grande salle préservée en son style "60's", bénéficiant d'un écran de bonne taille et d'un son d'une belle ampleur, puissant sans être agressif, on peut profiter du film, assis non loin d'Alain Chabat et de son fils, sans doute, en toute tranquillité.
Guère fervent de "blockbuster", le précédent "Batman" (désormais, il faut dire "the" Batman si vous ne voulez passer pour un ringard ) vu en "cinéma-maison", m'avait pourtant favorablement impressionné : Chistopher Nolan aux manettes fait largement oublier les plus mauvais films de la série, ceux réalisés par J.Schumacher qui est loin d'être un bolide de course.
Nolan (qui est l'auteur du formidable "Memento") ne cherche pas non plus à suivre la trace de Tim Burton qui réalisa les deux premiers films avec sa patte si particulière.
Pour ce "Chevalier Noir", il nous emmène dans un univers d'une noirceur impitoyable.
Bien sûr, la part belle est faite aux effets spéciaux et aux cascades, parfaitement réussis, faisant bondir le spectateur sur son siège à intervalles savamment dosés.
Mais, ici, les personnages ont une réelle épaisseur psychologique et l'on ne prend pas le cinéphile pour un attardé mental.
C'est, de loin, Heath Ledger (Brokeback Mountain), décédé tragiquement depuis, qui emporte tout sur son passage : stupéfiant, sans jamais mettre ses pas dans ceux de Nicholson, qui fut le meilleur "Joker" jusqu'alors, le jeune acteur réussit une composition jamais grandiloquente (un exploit !), habité littéralement par ce personnage de clown démoniaque et tragique, damant le pion à un Christian Bale (Wayne/The Batman) en service minimum.
Chaque apparition de Ledger suscite dans la salle rires et effroi mêlés fort réjouissants, rendant au cinéma populaire quelque chose d'essentiel : cette communion des spectateurs qui faisait autrefois l'ambiance si particulière du "cinoche du samedi soir".
Rien que pour cela, on décernera à ce comédien, disparu en mode James Dean (à la différence que lui s'est donné la mort en futur mythe tragique) tous les Oscar du cœur à titre posthume.
Pas de "happy end" pour ce spectacle noir et dantesque, mais au contraire une fin d'un pessimisme achevé qui laisse augurer d'une suite inévitable.
Sans ce "Joker" qui marquera nos mémoires à tout jamais.
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