Evidemment !
Beaucoup vont détester le dernier film de Terrence Malick qui contient tout ce qu'il faut pour remuer les sens du plus aguerri des spectateurs.
En fin de compte on adorera "ne pas aimer" Malick et les délires mystico-new age dont ils parsème son "arbre de vie".
Le problème -si c'en est un- c'est que cette aversion cède la place, la plupart du temps, à l'admiration et que l'on sort de la séance complètement sonné : les agacements que l'on aura pu légitimement éprouver sont balayés par un sens de la narration hors du commun et une "manière" cinématographique que l'on appelle, comme en littérature, le "style".
Malick nous emmène -pour peu que l'on accepte de se laisser prendre la main- où il veut, se permettant une longue digression sur la genèse en une séquence qui se veut faussement naïve, nous égarant, perplexes, sur des chemins de traverse pour mieux baliser son histoire, ce qui relève, après réflexion, de l'exploit narratif.
Pour Malick, le spectateur n'est pas un bouffeur de pop-corn passif ; c'est tout à son honneur.
Le film tourne autour d'un argument d'une simplicité biblique (!) : la perte d'un fils, le cadet, dans une famille de la middle-class d'une Amérique pseudo-idéale.
Mr O'Brien, le père, joué par un Brad Pitt d'une sobriété exemplaire, a réussi sa vie (pour combien de temps) abandonnant son rêve de devenir un grand musicien, la ratant donc en fin de compte.
L'amour qu'il porte à ses fils qu'il élève "à la dure" génère incompréhension de la part d'un Jack, l'aîné, qui aborde l'adolescence la haine (prétendue) du père chevillée au coeur.
Au milieu, il y a la mère, sublime et bouleversante Jessica Chastain, femme au foyer "idéale" dont les manifestations de tendresse pallient l'apparente sévérité du "chef de famille".
Mais il y a aussi ces moments de paix retrouvée autour du vieux piano désaccordé avec Mozart et Couperin ou à l'église avec la Toccata et fugue de Bach, moments de grâce où règne tout l'amour du monde.
Entre-temps, il y a, certes, ces considérations sur le sens de la vie, sacré, forcément sacré, qui jalonnent le film, lui donnant cette dimension chrétienne qui pourra irriter, mais que l'on pourra aisément transposer tant chacun de nous détient sa propre part de spiritualité sans qu'il soit besoin de lui donner une identité "religieuse".
Selon que l'on se situe, c'est un "défaut" ou une "qualité" majeure du film ; c'en est une part que Malick aurait eu, selon moi, tort de ne pas assumer.
Toujours est-il que pendant ces presque deux heures trente, on est plongé dans un univers qui n'appartient qu'à son auteur, une symphonie visuelle et auditive à couper le souffle, une manière de renouvellement de la cinématographie qui laissera sa trace dans l'histoire du 7ème art comme le fit, j'ose la comparaison, le "2001" du grand Kubrick.
Comme l'écrit Pascal Mérigeau dans sa belle chronique du dernier "Nouvel Observateur", que je n'ai pas voulu lire avant l'immersion, on ne peut "juger" (mais pour qui nous prenons nous parfois ?) "The tree of life" sur le coup : il faut le laisser décanter le temps qu'il faut, pour moi une bonne nuit et une bonne journée, en comparant les mérites et les absurdités (il y en a !).
Hier, la 4ème symphonie de Brahms a tourné sans cesse sur mon phono ; aujourd'hui, ce sera le Requiem de Berlioz, et demain, la Symphonie N°3 de Gorecki, dite des "chants de deuil", que je rêvais depuis tant d'années de voir soutenir de grandes images : pour ça, Mr Malick, toute ma gratitude.
"Il" est en déplacement : la fête !
Les enfants-acteurs sont prodigieux.
Terrence Malick
J'ai découvert la symphonie n°3 de Gorecki lors d'une visite très profane de l'Abbaye de Cluny ; à l'époque, je dus commander le CD en Suisse ; quelque temps après, on le trouvait en grand nombre dans les rayons "new age" de la Fnac !
Henryk Górecki est mort le 12 novembre 2010.
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